les expositions — 2008

The air around them presses on them

Du 11 au 26 janv.

Immanence, Paris

Heesook YU

Curatrice : Albane Duvillier

« Ce qui nous parle, me semble-t-il, c’est toujours l’événement, l’insolite, l’extraordinaire : cinq colonnes à la une, grosses manchettes (...) Il faut qu’il y ait derrière l’événement un scandale, une fissure, un danger, comme si la vie ne devait se révéler qu’à travers le spectaculaire(…). Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infraordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ? Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ? »
Georges Perec, Approches de quoi ?, in L’Infraordinaire, Editions du Seuil, Paris, 1989

Une très légère structure autonome constituée de fils de coton blancs flotte dans l’espace.
Un réseau de lignes horizontales et verticales dessinent à première vue un ensemble géométrique qui semble vouloir prendre la mesure de l’espace. Or, plus le regard tente de saisir la structure dans son ensemble, plus celui-ci en perd le fil. D’un point à un autre, d’un nœud à l’autre, les lignes droites se dérobent, les horizontales ploient légèrement, les verticales oscillent au moindre souffle, des enchevêtrements génèrent des accidents imprévisibles, des formes en volume se détachent en suspension. L’ensemble se développe d’une façon organique presque végétale, fruit d’une fantaisie géométrique où l’intuition plus que la raison semble guider le geste de l’artiste.
Contrebalançant ces cadres incertains, une constellation de simples et minuscules plombs de pêche assurent une stabilité à la structure tout en créant un paysage. Englobant l’espace d’exposition dans son entier, se jouant des distinctions entre intérieur et extérieur, ce fragile réseau de fils s’apparente à une toile d’araignée, dont la présence se révèle par intermittence en fonction de la lumière du jour et de l’intensité des quelques points lumineux disséminés dans l’espace. Les ombres qui se dessinent sur les murs et le sol environnants, comparables à des caresses éphémères, (à ces caresses inframinces chères à Marcel Duchamp), suggèrent des possibilités infinies d’expansion ou de contraction. Le visiteur ne peut que se glisser dans un interstice, frôler quelques fils, faire obstacle avec son propre corps à la lumière, participer à ces jeux d’ombres produites par la structure.
A l’image des villes invisibles d’Italo Calvino qui ne peuvent être qu’entre aperçues fugitivement en rêve, l’environnement conçu par Heesook Yu contient une multitude d’espaces en expansion et d’événements enchevêtrés révélés le temps d’un instant.